L'éclatement de la bulle des NTIC(2) à la fin des années 1990 semblait avoir mis un terme aux projets et aux promesses de l’immobilier sur Internet. Cinq ans plus tard, Internet est reparti sur des bases plus solides. La spéculation financière est oubliée, les start-up sont devenues des sociétés rentables, dirigées par des gestionnaires qui portent cravate. Les promesses technologiques sont enfin tenues grâce au haut-débit et aux meilleures compétences des informaticiens qui ont acquis un surplus d’expérience… Aujourd’hui, tous les clignotants sont au vert : hausse du taux d’équipement, du nombre de connexions, du chiffre d’affaires et des profits. Les innovations et les projets reviennent sur le devant de la scène. C’est pourquoi il semble opportun de faire un état des lieux de l’Internet pour les grands secteurs de l’immobilier et d’imaginer les prochaines évolutions et leurs conséquences. L’objet de cet article n’est pas d’avancer des prévisions ayant une forte probabilité de réalisation.
Il s’agit simplement de partager une vision de l’Internet immobilier, en espérant qu’elle puisse être le catalyseur de certaines « réflexions immobilières ».
Les annonces immobilières pour les particuliers
Le secteur des annonces pour les particuliers est le plus en avance sur Internet et il devrait servir d’exemple, ou d’éclaireur, pour les autres secteurs de l’immobilier.
Il semble être désormais arrivé à maturité, les volumes d’affaires sont importants, les leaders sont maintenant connus et les méthodes de travail se professionnalisent.
Pour les agents immobiliers, des impacts restent à venir : une probable concentration au profit des plus performants et une évolution de la part de marché des particuliers.
En cinq ans, Internet est devenu incontournable pour acheter ou louer un logement. Aujourd’hui, 80 % des recherches passent par ce biais et il génère plus de 30 % du chiffre d’affaires des agents immobiliers (Ipsos-FNAIM).
Le trafic Internet immobilier est considérable, puisqu’il représente près de 10 % des connexions (Mediametrie). Dix sites ont un trafic supérieur à 300 000 visites par mois et le plus important, Seloger, dépassait les 900 000 visiteurs par mois au milieu de l’année 2004.
Du coup, les méthodes de travail des agents immobiliers évoluent rapidement. Ils s’équipent de logiciels informatiques de « multidiffusion » avec des passerelles qui diffusent leurs annonces automatiquement vers les grands sites. Toutes les agences ont un site Internet et les plus avancées s’intéressent de près aux problématiques de référencement naturel et de liens commerciaux(3). Internet est leur premier poste de dépenses publicitaires. De son côté, en 2004, la FNAIM a investi 100.000 € en liens sponsorisés pour accroître l’audience de son site Internet. On notera que des centaines de sites d’annonces avaient été créés dans les années 1990. Bien peu ont survécu. Les sociétés qui ont résisté à l’éclatement de la bulle Internet étaient déjà présentes dans le secteur de la presse d’annonces et sur le Minitel… Aujourd’hui, deux groupes dominent : Poliris, largement leader avec deux sites, Seloger et Immostreet, suivi par le groupe Belles Demeures qui vient d’acquérir la société Minitelorama et contrôle maintenant trois grands sites : Lesiteimmobilier, Avendrealouer et 123Immo. Les grands réseaux (fédérations et franchises) sont également des acteurs majeurs avec des sites nationaux qui publient les annonces de leurs membres. Ce secteur semble donc arrivé à maturité. Toutefois, des évolutions profondes sont à venir car Internet est un puissant facteur de concentration tant pour les agences que pour les sites.
Pour les agences, Internet est un accélérateur de développement. Un bon site, avec un fort trafic, est l’argument numéro un pour convaincre les mandants. C’est aussi l’outil le plus efficace pour vendre rapidement. Les agences les plus riches vont développer leur compétence Internet et investir sur leur site pour développer sa qualité et le faire connaître, ce qui leur permettra de prendre des parts de marché importantes au détriment des plus petites. Le métier d’agent immobilier est encore artisanal, mais il pourrait s’industrialiser. Pour les sites d’annonces, l’effet volume devrait continuer de jouer son rôle : plus le trafic est important, plus le nombre d’annonces augmente, plus les revenus du site et ses capacités à investir en promotion grandissent, et plus son trafic s’accroît.
La boucle est bouclée, les petits sont condamnés !
Reste à comprendre l’impact d’Internet sur le partage du monde : 55 % des transactions se font entre particuliers, les agents immobiliers interviennent pour le solde. En promouvant leur bien directement sur Internet, les particuliers acquièrent encore plus d’autonomie par rapport aux professionnels. À ces derniers, il reste la sécurité juridique (pour les notaires) et la capacité à rapprocher les points de vue (pour les agents immobiliers). Cela sera-t-il suffisant pour justifier des honoraires ?
Fréquentation des sites Internet immobiliers :
Site + Milliers de visiteurs uniques par mois
- Seloger 952
- Adomos 825
- Pap 707
- FNAIM 487
- Century 21 465
- Abritel 462
- Lesiteimmobilier 394
- ImmoStreet 363
- Entreparticuliers 333
- Explorimmo 305
- Laforet Immobilier 272
- Abonim 271
- AvendreAlouer 268
- Orpi 256
- Homelidays 243
- SPIR logic-immo 220
- 123immo 181
- Batirenover 176
Source : Mediametrie//Net Ratings, Quarter Ending juin 2004, Home & Work.
Les annonces immobilières pour les locaux professionnels
Les conseils en immobilier d’entreprise ont eu très tôt l’idée de créer ensemble un site Internet commun : Webimm. C’est peut-être une fausse bonne idée. Certes, pour les utilisateurs, il peut sembler commode de pouvoir consulter l’essentiel de l’offre sur un seul site. Mais dans cette situation de quasi-monopole, l’émulation de la concurrence ne joue pas. En conséquence, les potentialités fortes d’Internet sont peu exploitées, tant en termes de diffusion que de contenu des annonces. Aujourd’hui, sur ce site comme sur les autres, les annonces ressemblent furieusement aux annonces presse : une photo, une surface et le numéro de téléphone du négociateur. Les exceptions sont rares puisque, sur Webimm, on trouve moins de 30 visites virtuelles sur plus de 600 annonces.
Les potentiels techniques réels d’Internet permettent de mettre en ligne un dossier complet. Par exemple, pour un immeuble de bureaux à louer, on pourrait trouver : le plan de situation, le plan d’accès, des photos de toutes les façades, une visite vidéo des parties communes, des parkings, les plans cotés des étages, le dossier technique (ascenseurs, climatisation…), le détail des charges, les éléments de fiscalité locale (taxe professionnelle, taxes foncières…), les principales clauses du bail, la possibilité de réaliser des simulations d’implantation, etc.
L’objectif d’un tel dossier est de faciliter et d’accélérer la location de l’immeuble. Mais son coût de réalisation élevé est un obstacle à sa généralisation. Pour le franchir, il semble que deux pistes de réflexions puissent être envisagées :
- les commercialisateurs intègrent des Web Agencies dans leurs équipes et développent des compétences de diffusion sur Internet. La qualité des annonces et la fréquentation élevée de leur site deviennent les arguments clés pour obtenir des mandats exclusifs. Cette exclusivité
permet l’investissement que nécessite la réalisation du dossier Internet ;
- seconde possibilité, les propriétaires eux-mêmes s’adressent à des agences de communication spécialisées pour réaliser ce dossier, puis le diffusent sur plusieurs sites Internet et s’entourent de conseils pour les phases finales de la négociation.
La presse immobilière sur Internet et la gestion de l’information
Les informations ont toujours été au coeur des métiers immobiliers : valeurs, transactions, lois et règlements, fiscalité, parcours des hommes… Les conseils en immobilier d’entreprise, qui ont d’importants départements Études et Recherche, le savent bien. Ce secteur connaît actuellement deux révolutions : l’information est de plus en plus diffusée par Internet ; la gestion de grands volumes d’informations est de plus en plus facile et bon marché. L’année
2004 a vu le développement très rapide d’une newsletter Internet gratuite : ses chiffres de diffusion sont dix ou vingt fois plus élevés que ceux de ses concurrents papier. Les raisons en sont claires : d’une part, la diffusion par Internet est immédiate, contre au moins une semaine pour la fabrication et la distribution par la Poste d’une lettre spécialisée ; d’autre part, les coûts sont quasi nuls pour Internet, alors que les coûts de la filière papier sont importants : impression, mise sous pli et affranchissement. On peut parier que tout ce qui touche à l’actualité sera sur Internet et exclusivement sur Internet d’ici moins de cinq ans. L’autre révolution est moins visible. Les moteurs de recherche en sont le catalyseur qui déclenche
la réaction en chaîne. Dans la foulée des Google et autres Yahoo se sont développées à la fois des technologies et des méthodes qui permettent d’explorer et de traiter de très grandes quantités d’informations, en quelques secondes. Et, là encore, le coût est très faible. Les deux
exemples suivants illustrent cette idée.
Au siècle précédent, pour avoir accès à la jurisprudence, il y avait une documentaliste juridique, entourée d’armoires dans lesquelles s’alignaient codes et revues. Son délai de réponse se comptait en jours. Tout cela coûtait cher en personnel, locaux, abonnements… Aujourd’hui, avec un micro-ordinateur à 1 000 €, une liaison Internet et un moteur de recherche souvent gratuit, on peut installer sur un disque dur des dizaines de milliers de pages. Avec un minimum de méthodologie, la réponse arrive en une fraction de seconde.
La revue de presse mensuelle, sélection des meilleurs articles parus sur l’immobilier, est un recueil flatteur de photocopies, soigneusement rassemblées sous une couverture élégante. C’est le meilleur outil possible pour se tenir au courant de l’actualité. D’ailleurs il n’y en a pas d’autres… Demain, cette même revue de presse sera diffusée par Internet. Les avantages en sont multiples. Une semaine de fabrication et de distribution est gagnée. Elle peut être diffusée à tous les collaborateurs concernés, gratuitement et immédiatement. Mais, surtout, le moteur de recherche peut retrouver en un rien de temps l’article lu il y a quatre ou six mois, à propos de tel ou tel projet ou de telle ou telle foncière, etc. Ce travail, aucune assistante ne sait le faire à cette vitesse avec une documentation papier.
C’est la pratique personnelle quotidienne d’accès à l’information qui va être totalement renouvelée. Autre conséquence, les petites sociétés auront accès à des bases de données qui, jusqu’ici, étaient réservées aux plus grandes. Leur compétitivité en sera renforcée.
L’immobilier en Bourse face aux possibilités d’Internet
Aujourd’hui, peu de grands acteurs ont développé des sites Internet à la hauteur de leurs performances boursières. Mais, si demain il faut faire appel massivement à l’épargne des particuliers, on peut assister à une compétition sur Internet entre les sociétés cotées et les intermédiaires. Pour une société cotée, l’intérêt d’Internet est évident : être en contact direct avec tous les investisseurs particuliers, actuels et potentiels, à un coût raisonnable. De plus, l’information y est diffusée en continu et en temps réel. On voit bien tout l’avantage qu’il y a à se passer du filtre des médias et à être plus réactif que ne le permettaient auparavant l’unique et tardif rendez-vous de l’Assemblée générale et le rapport annuel.
Début 2005, la plupart des SIIC et des SCPI, mais pas toutes, ont un site Internet. Les deux points qui semblent importants à analyser sont la qualité du contenu et la fréquence de mise à jour.
Un contenu complet peut comprendre la présentation détaillée de la société, sa stratégie, son activité, ses équipes, les informations financières (trimestrielles et annuelles), les informations boursières (le cours en direct), les communiqués de presse et les articles, études ou rapports
relatifs au secteur, la description détaillée du patrimoine et la possibilité facile de contacter la bonne personne. Notons que certains ouvrent la voie et présentent leur patrimoine de façon transparente : photos, adresses, surfaces et locataires (individuellement pour chaque immeuble).
L’autre aspect est l’actualisation du site. Les internautes deviennent de plus en plus exigeants et s’attendent à trouver des informations « fraîches ». Faute de quoi, ils surfent vers un autre site et ne reviennent pas. La fréquence d’une mise à jour par semaine devrait être le bon objectif. Mesurés à ces deux toises, peu de sites Internet sont à la hauteur des brillants résultats financiers des foncières cotées.
Si, demain, l’immobilier en Bourse se tourne résolument vers l’épargne des particuliers, on assistera à deux compétitions dans la course à l’audience Internet. D’une part, les sociétés cotées se disputeront les visites des internautes, futurs actionnaires ; d’autre part, les intermédiaires et les courtiers chercheront à faire de leur site Internet le point de passage privilégié pour la diffusion de l’information et la vente de produits d’épargne. Sans trop extrapoler, on peut imaginer une situation où l’internaute achète des actions immobilières directement sur Internet et arbitre son choix plus en fonction de la qualité du site (informations diffusées et ergonomie de la « boutique ») que de l’intérêt financier du titre.
Le secteur des investissements institutionnels
Le marché de l’investissement immobilier en France concerne un petit nombre de personnes chez les investisseurs, les conseils et les asset managers. Ces personnes se connaissent car elles se croisent régulièrement et n’ont pas besoin d’Internet pour diffuser ou recueillir de
l’information. Dans ce contexte, il n’est pas impossible qu’Internet reste durablement un outil accessoire. Toutefois, deux pistes de réflexion vaudraient peut-être la peine d’être explorées.
Ce secteur est international aujourd’hui. L’investisseur de Pékin va surfer sur le web avant de prendre l’avion pour Paris. La première image qu’il aura d’une société, vue au travers d’un site Internet, influencera la négociation commerciale. Difficile de convaincre que l’on est un grand
groupe international et performant avec un site bricolé et non mis à jour. De même, les investisseurs allemands sont actuellement extrêmement actifs sur le marché français et on peut se demander pourquoi les sites Internet sont en français, parfois en anglais, alors que deux seulement sont traduits en allemand.
L’autre piste est la présentation non pas de l’offre (les annonces), mais de la demande. Stam-Europe a eu l’idée originale de consacrer une page de son site, baptisée
« Critères d’investissements », aux types de biens recherchés. Si on s’engage dans cette voie, ce sera la maîtrise des compétences de marketing direct sur Internet qui permettra de diffuser rapidement et efficacement la demande auprès de tous les propriétaires de portefeuilles immobiliers. Les asset managers devront avoir une nouvelle corde à leur arc. Un détour par le marché de l’investissement immobilier des particuliers peut éclairer. Ce marché est devenu important avec le succès des produits de défiscalisation Robien. Il utilise largement Internet comme support de commercialisation. Les produits sont diffusés par des sites spécialisés ou par les sites Internet des promoteurs. Ceci conduit à deux réflexions :
- les courtiers Internet (Adomos, Liins…) ont pris des parts de marché significatives parce qu’ils ont maîtrisé, mieux que les promoteurs, les mécanismes d’Internet et ceux du suivi de la relation clients. Pour les institutionnels, l’expérience est à étudier et à méditer ;
- ce secteur des produits de défiscalisation est un laboratoire. On y assiste in vivo aux premières vraies ventes immobilières sur Internet. Sur les autres marchés, et pour le moment, Internet est un outil de mise en relation. Le premier contact est suivi de visites sur place et de rendez-vous chez le notaire. Pour l’immobilier de défiscalisation, il n’y a pas de visite car, d’une part, l’immeuble n’est pas construit, et, d’autre part, le client achète un produit financier et s’intéresse peu au bâti. Si on ne peut pas éviter le contact au téléphone avec un conseiller, on peut envisager que les signatures des actes se fassent sur Internet.
Les services « en ligne » pour les professionnels de l’immobilier
Depuis deux ans, beaucoup de réalisations intéressantes ouvrent la voie à d’autres innovations. Aujourd’hui, la réalité des services immobiliers sur Internet recouvre deux
domaines principaux : le facility management et les formalités. Les facility et property managers mettent en ligne leurs bases de données d’informations, notamment financières. Elles sont destinées à leurs clients, les sociétés propriétaires, qui peuvent ainsi les récupérer directement dans leur propre système d’information. L’offre est déjà relativement sophistiquée. À terme, il n’est pas impossible que la totalité des relations entre le propriétaire et l’administrateur de biens se déroule sur Internet. D’ores et déjà, pour les particuliers, on propose de gérer intégralement un appartement en ligne : rédaction du bail, émission et dépôt en poste des appels de loyers et des quittances, calcul des augmentations de loyer, gestion
des contentieux…
Plusieurs sites permettent de procéder à des formalités sur Internet telles que recherche d’informations financières et fiscales sur un client et constitution de dossier de présentation de ces informations, note de renseignements d’urbanisme, déclaration d’ouverture de chantier,
calcul détaillé de la valeur d’un bien, pige d’annonces immobilières, calcul de la taxe professionnelle, de la taxe foncière et de la TEOM(4), calcul des taxes d’urbanisme, de la redevance et de la taxe annuelle sur les bureaux, téléchargement d’imprimés fiscaux… Beaucoup d’autres idées sont réalisables et, comme l’époque est de nouveau favorable aux start-up, gageons que des entrepreneurs sauront les concrétiser.
L’Internet immobilier n’est plus un rêve
On vient de le voir, en 2005, l’Internet immobilier existe et les réalisations sont significatives. C’est aujourd’hui un ensemble d’outils qui vont encore se développer et se professionnaliser, mais, demain, ce sera vraisemblablement un élément structurant du secteur, qui pourrait bien déterminer les positions concurrentielles, changer les métiers et provoquer l’apparition de nouveaux acteurs.
1. NTIC : Nouvelles technologies de l’information et de la communication.
2. Le référencement recouvre l’ensemble des techniques qui permettent à un site Internet d’apparaître comme réponse à une requête sur un moteur de
recherche (Google par exemple). Le référencement naturel consiste à adapter le site au mode de fonctionnement des algorithmes des moteurs de recherche.
Les liens commerciaux, ou liens sponsorisés, positionnent un site sur les moteurs de recherche et sont facturés en fonction du nombre de « clics » sur
l’enseigne.
3. TEOM : taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Lien site Hervé Parent
Il s’agit simplement de partager une vision de l’Internet immobilier, en espérant qu’elle puisse être le catalyseur de certaines « réflexions immobilières ».
Les annonces immobilières pour les particuliers
Le secteur des annonces pour les particuliers est le plus en avance sur Internet et il devrait servir d’exemple, ou d’éclaireur, pour les autres secteurs de l’immobilier.
Il semble être désormais arrivé à maturité, les volumes d’affaires sont importants, les leaders sont maintenant connus et les méthodes de travail se professionnalisent.
Pour les agents immobiliers, des impacts restent à venir : une probable concentration au profit des plus performants et une évolution de la part de marché des particuliers.
En cinq ans, Internet est devenu incontournable pour acheter ou louer un logement. Aujourd’hui, 80 % des recherches passent par ce biais et il génère plus de 30 % du chiffre d’affaires des agents immobiliers (Ipsos-FNAIM).
Le trafic Internet immobilier est considérable, puisqu’il représente près de 10 % des connexions (Mediametrie). Dix sites ont un trafic supérieur à 300 000 visites par mois et le plus important, Seloger, dépassait les 900 000 visiteurs par mois au milieu de l’année 2004.
Du coup, les méthodes de travail des agents immobiliers évoluent rapidement. Ils s’équipent de logiciels informatiques de « multidiffusion » avec des passerelles qui diffusent leurs annonces automatiquement vers les grands sites. Toutes les agences ont un site Internet et les plus avancées s’intéressent de près aux problématiques de référencement naturel et de liens commerciaux(3). Internet est leur premier poste de dépenses publicitaires. De son côté, en 2004, la FNAIM a investi 100.000 € en liens sponsorisés pour accroître l’audience de son site Internet. On notera que des centaines de sites d’annonces avaient été créés dans les années 1990. Bien peu ont survécu. Les sociétés qui ont résisté à l’éclatement de la bulle Internet étaient déjà présentes dans le secteur de la presse d’annonces et sur le Minitel… Aujourd’hui, deux groupes dominent : Poliris, largement leader avec deux sites, Seloger et Immostreet, suivi par le groupe Belles Demeures qui vient d’acquérir la société Minitelorama et contrôle maintenant trois grands sites : Lesiteimmobilier, Avendrealouer et 123Immo. Les grands réseaux (fédérations et franchises) sont également des acteurs majeurs avec des sites nationaux qui publient les annonces de leurs membres. Ce secteur semble donc arrivé à maturité. Toutefois, des évolutions profondes sont à venir car Internet est un puissant facteur de concentration tant pour les agences que pour les sites.
Pour les agences, Internet est un accélérateur de développement. Un bon site, avec un fort trafic, est l’argument numéro un pour convaincre les mandants. C’est aussi l’outil le plus efficace pour vendre rapidement. Les agences les plus riches vont développer leur compétence Internet et investir sur leur site pour développer sa qualité et le faire connaître, ce qui leur permettra de prendre des parts de marché importantes au détriment des plus petites. Le métier d’agent immobilier est encore artisanal, mais il pourrait s’industrialiser. Pour les sites d’annonces, l’effet volume devrait continuer de jouer son rôle : plus le trafic est important, plus le nombre d’annonces augmente, plus les revenus du site et ses capacités à investir en promotion grandissent, et plus son trafic s’accroît.
La boucle est bouclée, les petits sont condamnés !
Reste à comprendre l’impact d’Internet sur le partage du monde : 55 % des transactions se font entre particuliers, les agents immobiliers interviennent pour le solde. En promouvant leur bien directement sur Internet, les particuliers acquièrent encore plus d’autonomie par rapport aux professionnels. À ces derniers, il reste la sécurité juridique (pour les notaires) et la capacité à rapprocher les points de vue (pour les agents immobiliers). Cela sera-t-il suffisant pour justifier des honoraires ?
Fréquentation des sites Internet immobiliers :
Site + Milliers de visiteurs uniques par mois
- Seloger 952
- Adomos 825
- Pap 707
- FNAIM 487
- Century 21 465
- Abritel 462
- Lesiteimmobilier 394
- ImmoStreet 363
- Entreparticuliers 333
- Explorimmo 305
- Laforet Immobilier 272
- Abonim 271
- AvendreAlouer 268
- Orpi 256
- Homelidays 243
- SPIR logic-immo 220
- 123immo 181
- Batirenover 176
Source : Mediametrie//Net Ratings, Quarter Ending juin 2004, Home & Work.
Les annonces immobilières pour les locaux professionnels
Les conseils en immobilier d’entreprise ont eu très tôt l’idée de créer ensemble un site Internet commun : Webimm. C’est peut-être une fausse bonne idée. Certes, pour les utilisateurs, il peut sembler commode de pouvoir consulter l’essentiel de l’offre sur un seul site. Mais dans cette situation de quasi-monopole, l’émulation de la concurrence ne joue pas. En conséquence, les potentialités fortes d’Internet sont peu exploitées, tant en termes de diffusion que de contenu des annonces. Aujourd’hui, sur ce site comme sur les autres, les annonces ressemblent furieusement aux annonces presse : une photo, une surface et le numéro de téléphone du négociateur. Les exceptions sont rares puisque, sur Webimm, on trouve moins de 30 visites virtuelles sur plus de 600 annonces.
Les potentiels techniques réels d’Internet permettent de mettre en ligne un dossier complet. Par exemple, pour un immeuble de bureaux à louer, on pourrait trouver : le plan de situation, le plan d’accès, des photos de toutes les façades, une visite vidéo des parties communes, des parkings, les plans cotés des étages, le dossier technique (ascenseurs, climatisation…), le détail des charges, les éléments de fiscalité locale (taxe professionnelle, taxes foncières…), les principales clauses du bail, la possibilité de réaliser des simulations d’implantation, etc.
L’objectif d’un tel dossier est de faciliter et d’accélérer la location de l’immeuble. Mais son coût de réalisation élevé est un obstacle à sa généralisation. Pour le franchir, il semble que deux pistes de réflexions puissent être envisagées :
- les commercialisateurs intègrent des Web Agencies dans leurs équipes et développent des compétences de diffusion sur Internet. La qualité des annonces et la fréquentation élevée de leur site deviennent les arguments clés pour obtenir des mandats exclusifs. Cette exclusivité
permet l’investissement que nécessite la réalisation du dossier Internet ;
- seconde possibilité, les propriétaires eux-mêmes s’adressent à des agences de communication spécialisées pour réaliser ce dossier, puis le diffusent sur plusieurs sites Internet et s’entourent de conseils pour les phases finales de la négociation.
La presse immobilière sur Internet et la gestion de l’information
Les informations ont toujours été au coeur des métiers immobiliers : valeurs, transactions, lois et règlements, fiscalité, parcours des hommes… Les conseils en immobilier d’entreprise, qui ont d’importants départements Études et Recherche, le savent bien. Ce secteur connaît actuellement deux révolutions : l’information est de plus en plus diffusée par Internet ; la gestion de grands volumes d’informations est de plus en plus facile et bon marché. L’année
2004 a vu le développement très rapide d’une newsletter Internet gratuite : ses chiffres de diffusion sont dix ou vingt fois plus élevés que ceux de ses concurrents papier. Les raisons en sont claires : d’une part, la diffusion par Internet est immédiate, contre au moins une semaine pour la fabrication et la distribution par la Poste d’une lettre spécialisée ; d’autre part, les coûts sont quasi nuls pour Internet, alors que les coûts de la filière papier sont importants : impression, mise sous pli et affranchissement. On peut parier que tout ce qui touche à l’actualité sera sur Internet et exclusivement sur Internet d’ici moins de cinq ans. L’autre révolution est moins visible. Les moteurs de recherche en sont le catalyseur qui déclenche
la réaction en chaîne. Dans la foulée des Google et autres Yahoo se sont développées à la fois des technologies et des méthodes qui permettent d’explorer et de traiter de très grandes quantités d’informations, en quelques secondes. Et, là encore, le coût est très faible. Les deux
exemples suivants illustrent cette idée.
Au siècle précédent, pour avoir accès à la jurisprudence, il y avait une documentaliste juridique, entourée d’armoires dans lesquelles s’alignaient codes et revues. Son délai de réponse se comptait en jours. Tout cela coûtait cher en personnel, locaux, abonnements… Aujourd’hui, avec un micro-ordinateur à 1 000 €, une liaison Internet et un moteur de recherche souvent gratuit, on peut installer sur un disque dur des dizaines de milliers de pages. Avec un minimum de méthodologie, la réponse arrive en une fraction de seconde.
La revue de presse mensuelle, sélection des meilleurs articles parus sur l’immobilier, est un recueil flatteur de photocopies, soigneusement rassemblées sous une couverture élégante. C’est le meilleur outil possible pour se tenir au courant de l’actualité. D’ailleurs il n’y en a pas d’autres… Demain, cette même revue de presse sera diffusée par Internet. Les avantages en sont multiples. Une semaine de fabrication et de distribution est gagnée. Elle peut être diffusée à tous les collaborateurs concernés, gratuitement et immédiatement. Mais, surtout, le moteur de recherche peut retrouver en un rien de temps l’article lu il y a quatre ou six mois, à propos de tel ou tel projet ou de telle ou telle foncière, etc. Ce travail, aucune assistante ne sait le faire à cette vitesse avec une documentation papier.
C’est la pratique personnelle quotidienne d’accès à l’information qui va être totalement renouvelée. Autre conséquence, les petites sociétés auront accès à des bases de données qui, jusqu’ici, étaient réservées aux plus grandes. Leur compétitivité en sera renforcée.
L’immobilier en Bourse face aux possibilités d’Internet
Aujourd’hui, peu de grands acteurs ont développé des sites Internet à la hauteur de leurs performances boursières. Mais, si demain il faut faire appel massivement à l’épargne des particuliers, on peut assister à une compétition sur Internet entre les sociétés cotées et les intermédiaires. Pour une société cotée, l’intérêt d’Internet est évident : être en contact direct avec tous les investisseurs particuliers, actuels et potentiels, à un coût raisonnable. De plus, l’information y est diffusée en continu et en temps réel. On voit bien tout l’avantage qu’il y a à se passer du filtre des médias et à être plus réactif que ne le permettaient auparavant l’unique et tardif rendez-vous de l’Assemblée générale et le rapport annuel.
Début 2005, la plupart des SIIC et des SCPI, mais pas toutes, ont un site Internet. Les deux points qui semblent importants à analyser sont la qualité du contenu et la fréquence de mise à jour.
Un contenu complet peut comprendre la présentation détaillée de la société, sa stratégie, son activité, ses équipes, les informations financières (trimestrielles et annuelles), les informations boursières (le cours en direct), les communiqués de presse et les articles, études ou rapports
relatifs au secteur, la description détaillée du patrimoine et la possibilité facile de contacter la bonne personne. Notons que certains ouvrent la voie et présentent leur patrimoine de façon transparente : photos, adresses, surfaces et locataires (individuellement pour chaque immeuble).
L’autre aspect est l’actualisation du site. Les internautes deviennent de plus en plus exigeants et s’attendent à trouver des informations « fraîches ». Faute de quoi, ils surfent vers un autre site et ne reviennent pas. La fréquence d’une mise à jour par semaine devrait être le bon objectif. Mesurés à ces deux toises, peu de sites Internet sont à la hauteur des brillants résultats financiers des foncières cotées.
Si, demain, l’immobilier en Bourse se tourne résolument vers l’épargne des particuliers, on assistera à deux compétitions dans la course à l’audience Internet. D’une part, les sociétés cotées se disputeront les visites des internautes, futurs actionnaires ; d’autre part, les intermédiaires et les courtiers chercheront à faire de leur site Internet le point de passage privilégié pour la diffusion de l’information et la vente de produits d’épargne. Sans trop extrapoler, on peut imaginer une situation où l’internaute achète des actions immobilières directement sur Internet et arbitre son choix plus en fonction de la qualité du site (informations diffusées et ergonomie de la « boutique ») que de l’intérêt financier du titre.
Le secteur des investissements institutionnels
Le marché de l’investissement immobilier en France concerne un petit nombre de personnes chez les investisseurs, les conseils et les asset managers. Ces personnes se connaissent car elles se croisent régulièrement et n’ont pas besoin d’Internet pour diffuser ou recueillir de
l’information. Dans ce contexte, il n’est pas impossible qu’Internet reste durablement un outil accessoire. Toutefois, deux pistes de réflexion vaudraient peut-être la peine d’être explorées.
Ce secteur est international aujourd’hui. L’investisseur de Pékin va surfer sur le web avant de prendre l’avion pour Paris. La première image qu’il aura d’une société, vue au travers d’un site Internet, influencera la négociation commerciale. Difficile de convaincre que l’on est un grand
groupe international et performant avec un site bricolé et non mis à jour. De même, les investisseurs allemands sont actuellement extrêmement actifs sur le marché français et on peut se demander pourquoi les sites Internet sont en français, parfois en anglais, alors que deux seulement sont traduits en allemand.
L’autre piste est la présentation non pas de l’offre (les annonces), mais de la demande. Stam-Europe a eu l’idée originale de consacrer une page de son site, baptisée
« Critères d’investissements », aux types de biens recherchés. Si on s’engage dans cette voie, ce sera la maîtrise des compétences de marketing direct sur Internet qui permettra de diffuser rapidement et efficacement la demande auprès de tous les propriétaires de portefeuilles immobiliers. Les asset managers devront avoir une nouvelle corde à leur arc. Un détour par le marché de l’investissement immobilier des particuliers peut éclairer. Ce marché est devenu important avec le succès des produits de défiscalisation Robien. Il utilise largement Internet comme support de commercialisation. Les produits sont diffusés par des sites spécialisés ou par les sites Internet des promoteurs. Ceci conduit à deux réflexions :
- les courtiers Internet (Adomos, Liins…) ont pris des parts de marché significatives parce qu’ils ont maîtrisé, mieux que les promoteurs, les mécanismes d’Internet et ceux du suivi de la relation clients. Pour les institutionnels, l’expérience est à étudier et à méditer ;
- ce secteur des produits de défiscalisation est un laboratoire. On y assiste in vivo aux premières vraies ventes immobilières sur Internet. Sur les autres marchés, et pour le moment, Internet est un outil de mise en relation. Le premier contact est suivi de visites sur place et de rendez-vous chez le notaire. Pour l’immobilier de défiscalisation, il n’y a pas de visite car, d’une part, l’immeuble n’est pas construit, et, d’autre part, le client achète un produit financier et s’intéresse peu au bâti. Si on ne peut pas éviter le contact au téléphone avec un conseiller, on peut envisager que les signatures des actes se fassent sur Internet.
Les services « en ligne » pour les professionnels de l’immobilier
Depuis deux ans, beaucoup de réalisations intéressantes ouvrent la voie à d’autres innovations. Aujourd’hui, la réalité des services immobiliers sur Internet recouvre deux
domaines principaux : le facility management et les formalités. Les facility et property managers mettent en ligne leurs bases de données d’informations, notamment financières. Elles sont destinées à leurs clients, les sociétés propriétaires, qui peuvent ainsi les récupérer directement dans leur propre système d’information. L’offre est déjà relativement sophistiquée. À terme, il n’est pas impossible que la totalité des relations entre le propriétaire et l’administrateur de biens se déroule sur Internet. D’ores et déjà, pour les particuliers, on propose de gérer intégralement un appartement en ligne : rédaction du bail, émission et dépôt en poste des appels de loyers et des quittances, calcul des augmentations de loyer, gestion
des contentieux…
Plusieurs sites permettent de procéder à des formalités sur Internet telles que recherche d’informations financières et fiscales sur un client et constitution de dossier de présentation de ces informations, note de renseignements d’urbanisme, déclaration d’ouverture de chantier,
calcul détaillé de la valeur d’un bien, pige d’annonces immobilières, calcul de la taxe professionnelle, de la taxe foncière et de la TEOM(4), calcul des taxes d’urbanisme, de la redevance et de la taxe annuelle sur les bureaux, téléchargement d’imprimés fiscaux… Beaucoup d’autres idées sont réalisables et, comme l’époque est de nouveau favorable aux start-up, gageons que des entrepreneurs sauront les concrétiser.
L’Internet immobilier n’est plus un rêve
On vient de le voir, en 2005, l’Internet immobilier existe et les réalisations sont significatives. C’est aujourd’hui un ensemble d’outils qui vont encore se développer et se professionnaliser, mais, demain, ce sera vraisemblablement un élément structurant du secteur, qui pourrait bien déterminer les positions concurrentielles, changer les métiers et provoquer l’apparition de nouveaux acteurs.
1. NTIC : Nouvelles technologies de l’information et de la communication.
2. Le référencement recouvre l’ensemble des techniques qui permettent à un site Internet d’apparaître comme réponse à une requête sur un moteur de
recherche (Google par exemple). Le référencement naturel consiste à adapter le site au mode de fonctionnement des algorithmes des moteurs de recherche.
Les liens commerciaux, ou liens sponsorisés, positionnent un site sur les moteurs de recherche et sont facturés en fonction du nombre de « clics » sur
l’enseigne.
3. TEOM : taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Lien site Hervé Parent