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Icesave: I want my money back !

Le dernier avatar du projet d'accord négocié entre l'Islande d 'une part et le Royaume-Uni et celui des Pays-Bas d'autre part au sujet de la faillite de la Landsbanki a été rejeté par référendum une nouvelle fois. Les citoyens Islandais ont tranché le 11 avril dernier : ils ne veulent pas payer pour une banque, certes Islandaise, qui, en faisant défaut en 2008, a lésé quelques 425 000 épargnants anglais ou néerlandais, pour un montant de dépôts de 6,7 Milliards d'€uros.


Rémy Mahoudeaux
Rémy Mahoudeaux
L'histoire mérite d'être brièvement rappelée :

Les succursales anglaise et néerlandaise de la banque dans ces deux pays avait proposé des taux de rémunération agressifs et attractifs pour l'épargne collectée sous la marque Icesave. La Landsbanki a fait défaut en 2008. L'état Islandais a scindé la Landsbanki en 2 : les actifs et les dépôts des Islandais ont migré vers une entité nationalisée ad'hoc, et l'état a garanti à ses citoyens la valeur de leurs dépôts. Par contre, il a indiqué qu'il ne garantissait nullement les dépôts des étrangers ayant apporté leur épargne à une banque qui était privée. Il convient de noter l'insuffisance des actifs du fond de garantie Islandais, bien évidement.

La suite pourrait sembler cocasse tant elle est absurde et choquante, mais elle ne l'est pas : en mesure conservatoire et/ou de rétorsion, le gouvernement anglais a gelé les avoirs résiduels de la Landsbanki, de la banque centrale et du trésor islandais en invoquant une loi de 2001 relative à la lutte contre le terrorisme pour doter cette décision d'une apparence de fondement juridique. Des pressions qui ressemblent fort à du chantage auraient été mise en œuvre par l'UE pour inciter l'Islande a trouver un accord avec les Royaume-Uni et celui des Pays-Bas, agitant le bâton d'un possible blocage auprès du FMI pour l'accès à de futurs financements de la petite ile.

Il s'en est suivi une dispute diplomatique. Les arguments présentés par les États Britanniques et Néerlandais étaient :

1) que l'Islande ayant adopté la directive de l'UE sur le « passeport » lui permettant de proposer à l'étranger des produits d'épargne se doit de garantir ces dépôts au minimum à hauteur de 20 000 € par déposant ;
2) que l'Islande, lorsqu'elle garantit des dépôts domestiques, ne devait pas discriminer les nationaux Islandais des étrangers.

Je n'ai pas la prétention d'avoir un avis juridique pertinent sur cette affaire, ni sur les arguments qui ont été échangés, même si certains ont du sens :

 Qu'un fond de garantie ne peut pas prémunir contre un risque systémique, mais seulement mutualiser les coûts d'une défaillance individuelle me semble logique ;
 Que les collectivité publiques et personnes morales ne doivent pas bénéficier du même niveau de protection que les simples citoyens, du fait de leur capacité supposée à mieux mesurer les risques est aussi logique ;
 Que garantir des nationaux et laisser les étrangers sans indemnité est sans doute discriminant.

Une évidence semble cependant devoir émerger : la constatation unanime d'un comité ad'hoc de parlementaire de l'Espace Économique Européen, mettant sous les projecteurs l'absence de clarté de la directive 94/19/EC au centre du débat.

Des accords successifs ont été trouvés par l'exécutif Islandais avec les négociateurs Néerlandais et Britanniques, approuvés par le parlement Islandais, mais le Président a soumis la ratification de ces accords à des référendums qui tous ont rejeté ces accords. You won't have your money back ! Des suites judiciaires ajouteront bien sûr de nouveaux épisodes à cette histoire qui n'est pas encore finie.

Voici quelques réflexions personnelles, en fait des questions que je me pose tout haut et que je pose à qui saura répondre :

 Quand le texte d'un accord international sur lequel des nations se sont engagées se révèle incapable de trancher un différend à partir d'une lecture objective des faits, quelle est la solution : le retour à la table de négociation dans un soucis d'équité ou l'usage de la force (gel, chantage, etc ...) ? Et quand les dispositions d'une directive s'avèrent techniquement inapplicables, comment fait un juge pour juger des faits en regard de cette directive à défaut d'accord ?
 Il existe un certain consensus au sein des nations en cas de crise dans le secteur bancaire : créer des « bad banks » nationalisées pour y loger des pertes et laisser les profits dans la sphère privée. Mais de quel droit imposerions-nous cette solution à un état souverain, fût-il petit, qui préfère nationaliser les parties saines et essentielles pour son économies et laisser les banques privées qui font faillite gratifier d'une ardoise leurs créanciers et leurs investisseurs ? Le droit de la pensée unique à s'imposer à tous est-il inscrit dans la déclaration universelle des droits de l'homme ou la charte des Nation Unies ? Sommes nous si fiers d'avoir payé les turpitudes d'un Crédit Lyonnais, et si convaincus que cela était indispensable ?
 S'il est sain qu'un peuple puisse imposer sa volonté, même contraire à celle exprimée par sa représentation parlementaire, et refuser un diktat imposé de l'étranger, est-il tolérable que la collectivité / l'État Islandais s'enrichisse du fait de la nationalisation de la partie domestique de la Landsbanki ? L'excès constaté des actifs sur les passifs ne devrait-il pas être intégralement affecté au remboursement (partiel) des déposants étrangers ?
 Ne sommes nous pas devant une situation où le fort abuse de sa force au détriment du faible ? Peut-on admettre que, du fait de carences réelles ou supposées d'un système de contrôle, la responsabilité d'un État souverain soit engagée en cas de sinistre ? Je n'ai pas vu les États Européens si pugnace pour défendre leurs épargnants et incriminer l'état fédéral des États-Unis d'Amérique suite au scandale Madoff malgré une manifeste défaillance des autorités de contrôle … Le seul paramètre qui compte vraiment n'est-il pas que les États-Unis « pèsent » en gros 1000 fois plus que l'Islande ?

Tags : Islande Landsbanki Pays-Bas Royaume-Uni Faillite Passeport Europe Bad bank Fonds de garantie Icesave Madoff Directive 94/19/EC

Rémy Mahoudeaux
Managing Director, RemSyx

boss@remsyx.com
www.remsyx.com

Mercredi 4 Mai 2011




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