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Mercredi 27 Avril 2011
CFO News - Le quotidien Finance et Gestion by Finyear

Affaires et Psychiatrie, sans se prendre au sérieux (5/5) - Paranoïa appliquée : les méthodes et le curseur

Nous arrivons au terme de cette entreprise ludique de réhabilitation de la paranoïa. Passons en revue les quelques méthodes possibles pour identifier les menaces dont il faut que l'entreprise se prémunisse.


Rémy Mahoudeaux
Rémy Mahoudeaux
L'introspection :
C'est d'abord avec l'imagination qu'il convient de se livrer à cette activité hautement cérébrale. L'entrepreneur doit se soustraire à des rêves féconds qui nourrissent l'envie d'entreprendre pour s'inventer les plus affreux cauchemars, en espérant que la réalité sera plus clémente, mais en se préparant à faire face au pire.

La cartographie des risques :
C'est un terme très exagéré ... Dans les faits, elle ne concerne que les menaces, pas les opportunités. Il conviendrait donc de la rebaptiser, mais tel n'est pas le propos. La démarche est celle d'une analyse des menaces de quelque nature, tant interne qu'externe, aussi exhaustive que possible. La synthèse de cette démarche est formalisée dans un document périodiquement remis à jour et servant de base de départ au volet « action » qui lui consiste à décider en face de chaque menace d'une stratégie de couverture (ou non) puis de la mettre en œuvre. Cette cartographie est donc une introspection paranoïaque méthodique, normée, industrialisée et documentée réservée aux entreprises nanties.

Le management des hommes et femmes :
L'entrepreneur paranoïaque se doit de douter de l'efficacité de sa propre paranoïa (qui n'est en rien son monopole), et inciter ceux qui vivent l'aventure entrepreneuriale avec lui (les investisseurs, les dirigeants et les employés qui sont dans le même bateau) à décrypter dans tout signal une menace, puis de partager le fruit de leurs perceptions dans une démarche collective. La réflexion collective est en effet plus productive que les errements d'une paranoïa érémitique. L'entrepreneur doit donc inciter ces hommes et femmes à pratiquer l'introspection paranoïaque et à partager le fruit de leurs cauchemars. Et ceci même s'il est a priori suicidaire de confier à ceux qui peuvent se révéler être une menace (voir billet précédent) le soin de participer à notre défense … paradoxe encore !

La combinaison de démarches de type assurance (transfert du risque à un tiers) et prévention peut servir de base conceptuelle à la démarche de protection de l'entreprise contre les menaces identifiées. Le lecteur comprendra bien évidement qu'il n'est pas possible de poursuivre une description du comment protéger l'entreprise sui generi par l'implémentation d'une saine paranoïa sans connaître les menaces spécifique auxquelles il conviendra qu'elle réponde préventivement. La combinatoire est infinie et les contextes d'application non transposables d'une entreprise à l’autre. Je botte donc en touche et je laisse le lecteur réfléchir à son propre cas !

La dernière question est celle du quantum : où positionner le curseur de la paranoïa en entreprise ? Je ne résiste pas à la tentation d'énoncer et de diffuser une règle empirique que j'ai non seulement formulée à de multiples reprises dans mon passé de directeur financier, mais aussi mise en œuvre quotidiennement et qui sera (peu-être) connue comme l'exception de Mahoudeaux : Le seul gâchis autorisé, c'est le gâchis de paranoïa ! Traduite dans la langue de Poe, cela donne : The only allowed waste concerns paranoïa!

Le pourquoi de cette exception est évident : une insuffisance de paranoïa est mortelle. Une surabondance de paranoïa, en préparant l'entreprise à plus de pire que raisonnablement nécessaire, incrémentera sa probabilité de survie, même si des ressources sont objectivement consommées en pure perte dans ce processus. Il est effet assez rare que tous les malheurs de la terre s'abattent sur une seule victime au même moment, mais lorsqu'une entreprise est parvenue, grâce à sa paranoïa et son anticipation, à survivre à une crise grave, peu lui chaut qu'elle se soit aussi préparée à des crises qui ne sont pas eu d'occurrence. Quand on a subi aucun sinistre, il est malsain de déplorer avoir payé en vain des primes d'assurance ! Il est donc sain que l'entreprise sacrifie en pure perte une partie des ressources qui pourraient être utilement employées ailleurs qu'à cette activité non productive.

Malheureusement, déplorons :
- qu'il n'existe pas d'unité de mesure quantitative connue de la paranoïa (paranoïa produite) ;
- que les entreprises les mieux organisées ne mesureront idéalement que le temps et les coûts passés par une cellule dédiée au « risk management », pas le sain exercice disséminé de paranoïa dans toute l'entreprise (ressources consommées pour produire).

Nonobstant la légitime frustration supportée par l'entreprise confrontée à cette nouvelle quadrature du cercle (la paranoïa ne se mesure pas + on améliore que ce que l'on mesure.), il semble indispensable de se résigner en se rappelant l'adage « in medio stat virtus ». C'est donc à une dynamique itérative, auto-adaptable et empiriquement maîtrisée que j'invite les entreprises (Exceptées bien sûr toutes celles qui veulent ou voudront du mal aux entreprises qui me sont affiliées, et celles à qui ces mêmes affiliées veulent ou voudront du mal. Business is business !)

Une petite conclusion pour ceux qui auront eu la patience de suivre mes élucubrations jusqu'ici. Oui, il convient d'imaginer le pire et de s'en prémunir, et c'est rendre service à l'entreprise que d'y consacrer une partie de son temps, de son intelligence et de son énergie. Mais il y a bien sûr un grand absent dans mes propos : la confiance. Celle qui fait que l'entrepreneur entreprend et que l'entreprise existe. Celle qui fait que, malgré la menace perçue ou supposée, des hommes, des femmes, des entreprises, des organisations de toute nature, des États entrent en relation ensemble avec un objectif « win-win » sincère à l'instant où se noue cette relation. Parce que même si, à l'aune de la paranoïa, la confiance doit être dispensée sans excès, elle est indispensable pour ne pas directement s'entre-tuer.

Rémy Mahoudeaux
Managing Director, RemSyx

boss@remsyx.com
www.remsyx.com

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